lundi 21 janvier 2008

histoire

Front Ouest dans les Flandres Occidentales en 1914




Première partie:

L'histoire d'une tragédie dans les Flandres en 1914.


Hommage à mon arrière Grand-Père Albert Bernard, mort sur le Front Ouest, Dans la bataille de l’Yser le 13 novembre 1914, par un éclat d’obus.



Coquelicot - hommage des vivants

Le coquelicot, fleur des champs rustique et résistante, se fane dès qu’on le cueille. Sa couleur rouge vif symbolise la vitalité des combattants et leur sang versé.
Le coquelicot est devenu l'emblème de la Première Guerre mondiale sur les bords de la Somme et de l’Yser. C’est un souvenir vivant.


Sommaire

Page
3
Carte des Armées dans les Flandres occidentale en 1914
4
Carte sud Dixmude / Les opérations vues par l’armée Belge (chronologie)
5
Les opérations vues par l’armée Belge du 25 août 1914
6
II. LA STABILISATION
7
QUELQUES POINTS SAILLANTS
8
Carte IGN (sud Dixmude, Nieuwkapelle)
9
Front des Armées (Allemande et Française sur le canal de l’Yser)
10
Lieux des prises de vue en décembre 2001
11
Série de photos (village de Nieuwkapelle)
12
Série de photos (autour de Nieuwkapelle)
13
Série de photos (canal de l’Yser)
14
Biographie d’Etienne, ANTONIN ROUGIER ( 1879 - 1914 )
15
Antonin a emménagé au Gond le 10 juillet 1908
16
Antonin prend alors le train pour rejoindre son unité à Angoulème
17
L 'embarquement commence le 11 octobre à 10 heures
18
Le 4 novembre, le bombardement
19
la nouvelle à Angélina

Cartes et plans des Flandres occidentales avec mouvement et positionnement des armées.

Rappel historique pour comprendre ces lieux et cette période tragique.

La course à la mer (22 septembre - 15 novembre 1914)

CHRONOLOGIE DU CONFLIT (front de l'Ouest)

1914

  • 28 juin : Assassinat à Sarajevo de l'Archiduc héritier de l'Empire austro-hongrois.
  • 28 juillet : L'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. L'Allemagne soutient l'Autriche, la Russie soutient la Serbie.
  • 31 juillet : Assassinat de Jean Jaurès. Ultimatum allemand à la Russie et à la France.
  • 1er août : Mobilisation générale en France et en Allemagne. L'Allemagne déclare la guerre à la Russie.
  • 3 août : L'Allemagne envahit la Belgique et déclare la guerre à la France.
  • 4 août : Le Royaume-Uni déclare la guerre à l'Allemagne.
  • 19-20 août : Echec de l'offensive française en Lorraine (140 000 Français tués en moins d'une semaine). Retraite générale des troupes françaises.
  • 20 août : Les Allemands sont à Bruxelles.
  • 24 août-5 septembre : Invasion allemande. Retraite des Français et des Anglais sur un front à l'Ouest de Verdun.
  • 6-9 septembre : Première bataille de la Marne (avec les fameux "taxis"). 2 millions d'hommes s'affrontent.
  • 9-11 septembre : Victoire des troupes franco-britanniques (Bataille du Grand-Couronné). Les Allemands reculent, Paris est dégagé.
  • 18 septembre-15 octobre : Course à la mer pour le contrôle des ports du nord.
  • 15 octobre-17 novembre : Bataille de l'Yser et d'Ypres. Les Allemands sont arrêtés sur l'Yser (fin octobre).
Les opérations vues par l’armée Belge

. RAPPEL CHRONOLOGIQUE

Pour situer la bataille de l'Yser dans le cadre de l'offensive allemande de 1914, nous croyons bon de rappeler les événements principaux de cette campagne.

A. Du 4 AOUT au 15 AOUT 1914

Le 4 août, les armées allemandes envahissent la BELGIQUE. De grosses masses déferlent sur notre pays selon le plan SCHLIEFEN, qui a déjà été exposé dans le bulletin Tome IV, fasc. 2.

L'armée belge part en guerre avec environ 117.000 hommes pour l'armée de campagne. Les hostilités commencent par l'attaque de LIEGE et, par voie de conséquence, les forts (fortification permanente) vont jouer un rôle non négligeable. Leur constitution et leur histoire sont connues des membres du C.L.H.A.M. Les derniers forts tomberont les 16 et 17 août.

B. Du 6 AOUT AU 20 AOUT 1914 - POSITION D'ATTENTE SUR LA GETTE

Dans l'attente, vaine, de l'arrivée des Alliés, l'armée belge marque un temps d'arrêt, jusqu'au 18 août, sur la GETTE. C'est pendant cette période qu'eut lieu le combat de HAELEN, le 12 août. Les Allemands furent stoppés.

Mais peu à peu, les combats reprirent. Les Allemands se faisaient pressants. Le point culminant fut alors le combat de HOUTEM Ste MARGUERITE. A ce moment, pour éviter un désastre, et les Alliés ne s'étant pas encore manifestés, le Roi Albert décida la retraite sur la DYLE. Citons encore un combat important à AARSCHOT.

C. Du 19 AOUT au 25 AOUT 1914 - ATTAQUE DE NAMUR

Par rapport à Liège, on peut remarquer que les Allemands ne risquèrent plus d'attaques d'infanterie contre les forts; ils mirent immédiatement leur grosse artillerie en oeuvre. Le bombardement commença le 21 août. Ici, on vit apparaître pour la première fois des Français, le 22 août. Les Belges résistèrent tant que les forts tinrent, mais l'histoire de ceux-ci fut similaire à celle des forts de Liège.

Pendant ce temps, la bataille sur la Gette se terminait par un repli.

NAMUR couvrait ce repli par sa résistance. La situation devenant critique, le repli fut décidé aussi à Namur et se fit le 24 août. La 4e Division d'Armée et les Français reculèrent en direction du sud et les unités belges furent ramenées à ANVERS pour le 2 septembre.

D. Du 25 AOUT au 27 SEPTEMBRE - OPERATIONS AUTOUR D'ANVERS

Cette phase est quelque peu différente. Les Allemands essayent de continuer leur offensive selon le plan Schliefen et laissent les Belges sur leur flanc droit, sans trop s'inquiéter. Quelques troupes masquent les Belges qui ne sont plus "dans le chemin". Mais c'est compter sans leur vaillance et leur pugnacité.

La position d'ANVERS était en fait un danger pour les communications allemandes passant par Bruxelles. Aussi les Belges se payèrent-ils le luxe d'effectuer DEUX SORTIES offensives qui gênèrent les Allemands, surtout au moment du coup d'arrêt donné sur la Marne. Cette situation amena les Allemands à décider d'éliminer les Belges; ce fut le siège d'ANVERS.

E. Du 28 SEPTEMBRE au 10 OCTOBRE - LE SIEGE D'ANVERS

La chute de Maubeuge (bataille de la Sambre) rendit libre l'artillerie allemande. Celle-ci fut ramenée devant Anvers et le siège des forts du camp retranché fut entrepris selon une méthode maintenant bien au point. Les Allemands écrasèrent les forts sous une puissante artillerie, située au-delà de la portée des pièces belges. Le sort des forts ne pouvait laisser aucun doute. Néanmoins, les Belges résistèrent à Anvers jusqu'au 9 octobre.

Ici aussi, on commença à recevoir l'aide alliée sous la forme de quelques unités britanniques qui participèrent aux combats d'Anvers (6 octobre).

La capitulation se fit le 10 octobre... mais l'armée belge avait entre-temps évacué la ville et était en retraite, en bon ordre.

Les Allemands furent bien déçus de n'avoir pu prendre l'armée belge au piège. La retraite était dangereuse car l'armée belge défilait parallèlement au flanc droit de l'armée allemande dans sa course à la mer. En effet, n'ayant pu emporter la décision sur la Marne, les Allemands, qui disposaient, en vertu du plan Schliefen, de masses de troupes dans le nord, s'efforcèrent de déborder l'aile gauche française. Les Français avaient en effet concentré leur armée dans l'est et ils durent s'activer pour ramener ces troupes sur leur gauche afin d'éviter le débordement. C'est ce qu'on a appelé "la course à la mer".

Il était inévitable que le coup d'arrêt devait avoir lieu aux abords de la mer où on trouvait sur place : les Belges qui retraitaient d'Anvers, les Anglais qui commençaient à débarquer et quelques troupes françaises.

Et ce fut "l'YSER". Ce fut là aussi que les Belges reçurent l'appui des armées alliées et que l'on put former bloc pour arrêter les Allemands.

F. Du 15 OCTOBRE au 1er NOVEMBRE - LA BATAILLE DE L'YSER

Après la retraite à travers les Flandres, les Belges, réduits à 70.000 hommes, vinrent s'aligner sur une position qui longeait en pratique l'YSER, avec une tête de pont à DIXMUDE et une à NIEUPORT. L'armée s'étirait jusqu'à Boesinghe où elle se rattachait aux Français (sur l'Yperlée).

Dans la région d'YPRES, se trouvaient les Anglais qui, en fait, occupaient un large saillant devant la ville d'Ypres, jusque Langemarck, Zonnebeke, Gheluveit (voir croquis 1).

Le 15 octobre, les Belges sont prêts et divers renseignements sur les mouvements des troupes allemandes laissent prévoir une attaque prochaine. La bataille a lieu le long de l'Yser et elle se déroule sans esprit de recul de la part des Alliés. Pourtant les Allemands, qui terminent leurs préparatifs et disposent de plusieurs corps d'armée, semblent bien décidés à percer, soit sur l'Yser, soit sur Ypres, soit plus au sud encore si nécessaire. La bataille est dure et a lieu en rase campagne.

LA BATAILLE PROPREMENT DITE

Le 16 octobre, une première attaque sur DIXMUDE, occupée par les fusiliers marins de Ronarc'h est un échec pour les Allemands. La forêt de HOUTHULST est citée parmi les combats (action du Corps de Cavalerie belge).

Le 18 octobre, les Allemands attaquent LOMBARTSIJDE et les environs.

Le 19, c'est de nouveau au tour de DIXMUDE. Le 20, les Belges n'occupent plus sur la rive droite de l'Yser, entre Dixmude et la mer, que les têtes de pont aux extrémités du front (Lombartsijde et Dixmude).

Les Allemands s'alignent le long de l'YSER, et, comme ils ne parviennent pas à forcer les extrémités, ils vont attaquer au centre. Plus au sud, les attaques allemandes se multiplient contre les Anglais et les Français (à Arras entre autres).

Le 21, le déploiement des Allemands est achevé et ceux-ci procèdent sur l'Yser à un bombardement en même temps qu'ils attaquent à nouveau DIXMUDE et YPRES. Une crise se produit dans la boucle de TERVAETE et à STUYVEKENSKERKE : les Allemands ont réussi à traverser l'Yser. Le 25, l'ennemi continue son effort sur le centre belge, sans réussir à l'ébranler.

C'est alors qu'est prise la décision d'inonder la région (le 25 octobre).

Le principe en est simple : il suffit d'utiliser les écluses de NIEUPORT qui règlent l'écoulement des eaux de l'Yser en les faisant travailler à l'envers.

On bouche les trous et passages dans le remblai du chemin de fer Nieuport-Dixmude et l'eau commence à s'accumuler lentement dans les prairies.

Le 27 octobre, après d'autres essais ailleurs sur la LYS, les Allemands diminuent leur pression sur les Belges.

Le 29 octobre, l'activité des Allemands reprend sur le front belge (l'empereur est arrivé à Thieit le 26). Il y a attaque à PERVIJSE : échec allemand.

On se bat à POELCAPPELLE et PASSCHENDAELE, à ARMENTIERES et à RAMSCAPPELLE.

Le 30, l'action reprend sur tout le front, de la mer à LA BASSEE. Malgré des combats violents, les Allemands ne peuvent percer et, le 31, la crise se dénoue pour les Belges; c'est l'échec pour les Allemands.

Il y a encore d'âpres combats contre les Anglais et les Français, mais, le 1er novembre, les Allemands commencent la retraite devant les Belges et l'inondation. C'est la victoire, mais à quel prix ! L'armée belge est réduite à 50.000 hommes.

Après les durs combats de la deuxième quinzaine d'octobre 1914, le front se stabilise à peu près suivant le dessin ci-dessus

II. LA STABILISATION

Après la bataille de l'Yser, qui terminait la première phase de la campagne (la guerre de mouvement) et marquait l'arrêt et l'offensive allemande, il y eut sur l'ensemble du front une stabilisation; celle-ci dura 4 années.

Voyons comment était le front le 30 octobre, après les durs combats qui stoppèrent les Allemands (croquis 2).

Le front belge commence à NIEUPORT avec une tête de pont sur la rive droite de l'Yser (voir photo 3 du grand redan de Nieuport). LOMBARTSIJDE, longtemps disputée, est sur la ligne de front. Les Belges restent maîtres du jeu d'écluses commandant l'inondation. Ces écluses sont situées au pied du monument actuel au Roi Albert. Ensuite le front rejoint le remblai formé par le chemin de fer Nieuport-Dixmude qui sert de barrière à l'inondation. Celle-ci occupe surtout le no man's land entre le remblai et l'Yser qui forme un arc de cercle. Les Allemands devront évacuer cette zone.

En approchant de DIXMUDE, le front quitte le chemin de fer au nord-ouest de cette ville. Celle-ci est d'abord tenue par les Belges (avec l'aide des Français - tête de pont). Mais assez vite, les Allemands s'emparent de la ville et les Belges se maintiennent sur la rive gauche. Le front descend alors le long de l'Yser (rive gauche), puis de l'Yperlée (rivière canalisée).

Au sud de Dixmude, les Belges occupent le long de l'Yser et de l'Yperlée les villages de DRIEGRACHTEN, LUYGHEM, STEENSTRAETE, MERCKEM et BOESINGHE. A ce dernier point, les Belges font la jonction avec les Français.

Au sud, nous trouvons les Anglais, qui occupent Ypres ainsi qu'une tête de pont englobant les villages de LANGEMARK, ZONNEBEKE, GELUVELT, POELCAPPELLE, PASSCHENDAELE, BECELAERE, ZANDVOORDE, HOLLEBEKE.

C'est le SAILLANT D'YPRES, qui fut le théâtre d'âpres combats.

Le front descend ensuite en direction sud vers Armentières.

A noter que les Belges disposaient d'une deuxième ligne de défense : le canal de LOO qui, en fait, n'eut jamais à servir. Entre ce dernier et le remblai du chemin de fer, les Belges construisirent un vaste réseau de tranchées constituant un front qui, couvert par l'inondation, résista durant quatre années.

QUELQUES POINTS SAILLANTS

1. Dans la zone limitée par la boucle de l'Yser à l'est et le remblai du chemin de fer, entre Nieuport et Dixmude, se situe donc une zone inondée que les Allemands ont dû évacuer. A certains endroits, il subsiste des points hauts, non inondés, des chemins, des fermes, des villages (églises). Il est évident que ces points émergents vont revêtir une importance stratégique pour les deux adversaires; ce sont des points d'observation indispensables pour la poursuite des combats. On est dans un no man's land et les adversaires vont s'efforcer d'occuper ces points. Cela va donner lieu à des activités de patrouilles chargées d'occuper, de défendre, voire de réoccuper ces postes par des coups de main.

La simple constitution de ces postes (P.O. et grand'gardes) était un exploit en soi; en effet, l'inondation interdisait de creuser le sol détrempé; il fallait donc utiliser au mieux les ruines existantes et compléter les tranchées par apport de matériaux (sacs de terre). Cela se faisait de nuit, à dos d'hommes, sur des passerelles branlantes, installées au travers des inondations.

Outre le problème matériel de ces entreprises, il fallait compter avec la présence de l'ennemi, qui connaissait ces travaux et, par des bombardements et des tirs de mitrailleuses, essayait, jour et nuit, de les entraver. D'où l'insécurité et de nombreuses victimes.

Des noms de villages reviennent dans les récits : Ramscappelle, Pervijse, la boucle de Tervaete, Oud-Stuyvekenskerke. Pour ce dernier village, l'église a servi de P.O. d'artillerie : voir l'épopée du capitaine Martial LEKEUX (se référer à ce sujet à l'article de A. Gany, dans le bulletin Tome IV, fasc. 2).

2. Le Boyau de la Mort à Dixmude

A l'endroit où le front, venant du remblai, aborde l'Yser en face de Dixmude (à peu près où se trouve l'actuelle Tour de l'Yser), il existait une langue de terre suivant la rive gauche dans le sens vers l'aval. Les Belges décidèrent de l'occuper pour renforcer leur front.

Ce bout de terrain (connu sous le nom de la Borne 16) était très exposé aux tirs ennemis. Les travaux furent commencés à la sape (*) sur quelques centaines de mètres. Ils s'arrêtèrent lorsque les Belges se rendirent compte que les Allemands, présents un peu plus loin sur la même rive, procédaient de même. Le morceau de tranchée ainsi construit le long de l'Yser allait devenir le Boyau de la Mort. Ce dernier, tel qu'il est de nos jours, comporte deux éléments placés en forme de V (voir croquis 4 et 5) :

a) une tranchée qui longe la rive de l'Yser. Cette tranchée est double et comporte en première ligne une tranchée en zig-zag qui est la tranchée de combat. Elle est doublée par une tranchée de liaison, en ligne droite, avec, à intervalles réguliers, des liaisons avec la tranchée précédente. Au bout de la tranchée de combat, il y a des postes d'observation. Plus en avant (à une cinquantaine de mètres), se trouve un gros abri en béton.

b) à 90° de la tranchée ci-dessus, se trouve un autre ouvrage, dit "du Cavalier", qui est constitué aussi d'un double réseau de tranchées; l'une située à l'arrière, sert à desservir la tranchée principale qui, elle, est surélevée et construite sur un réseau d'abris souterrains. Cette partie surélevée comporte, outre des postes de tir, des postes d'observation.

Nous retrouvons dans ces deux éléments des principes que l'on rencontre dans toute fortification, qu'elle soit permanente ou passagère. La disposition en ligne tronquée permet d'intercaler de place en place des traverses empêchant le tir d'enfilade au cas où l'ennemi parviendrait à s'introduire dans un élément de la tranchée. Dans la traverse, il y a, en plus, une meurtrière permettant de contrer l'adversaire.

Sur la deuxième partie (b), on retrouve l'idée du cavalier (point surélevé d'où l'on surplombe l'ennemi), lequel existe dans certains forts. Evidemment, dans notre cas, la surélévation est faible, mais cela suffisait dans cette Flandre très plate, pour observer les Allemands sur l'autre rive.

Nous avons retrouvé un plan dans le livre "Les Sites de Guerre" - Campagne 1914-1918 - Brochure n° 2. Celui-ci donne la disposition des lieux vers la Borne 16, en octobre 1915 (croquis 4).

Le boyau actuel est un morceau d'un ensemble plus conséquent, s'intégrant dans un vaste réseau de tranchées ou boyaux de circulation. On y reconnaît : le Cavalier, le Boyau de la Mort à la Borne 16 et la Tête de Sape. On remarque également les fermes formant points de repère et centres de résistance.

(*) N.d.l.r. : des explications sur les travaux de sape sont donnés dans le bulletin Tome IV, fasc. 3, pages 67 et 68.

Beaucoup de tranchées étaient constituées de sacs de terre mais, par la suite, on utilisa des sacs remplis de béton, ce qui résistait mieux à la pluie et aux projectiles. Le béton fut aussi abondamment utilisé pour les abris, ce qui améliora un tant soit peu le confort et la sécurité des soldats.

3. Nous ne pouvons pas évoquer la bataille de l'Yser sans mentionner "STEENSTRAETE", nom qui est attaché au premier emploi par les Allemands de cette terrible arme qu'est le GAZ DE COMBAT.

L'Allemand, qui cherche la victoire à tout prix, attache une certaine importance au SAILLANT D'YPRES (boucle du front à l'est d'Ypres), tenu par les Anglais, qui ont les Belges sur leur gauche (entre Boesinghe et Dixmude).

Il veut prendre la ville d'YPRES. La jonction entre les deux armées, belge et anglaise, est un point faible, comme toujours dans ce cas. Après une formidable préparation d'artillerie, l'ennemi envoie à l'assaut environ 100.000 hommes.

En même temps, il accompagne cette attaque de l'emploi de gaz asphyxiants. La surprise lui permet de prendre pied à Steenstraete chez les Belges et à Saint-Julien chez les Anglais.

Ce gaz, inconnu alors des Alliés, prit le nom d'"YPERITE" à cause de son emploi dans la région d'YPRES. Les gaz firent dès lors partie des misères subies par les troupes alliées sur leurs fronts respectifs. Encore de nos jours, on retrouve de ces obus à gaz enfouis dans les champs de la Flandre ou en mer.

4. YPRES, ville fortifiée, très ancienne, eut beaucoup à souffrir des combats de 14-18. En fait, tout comme Nieuport et Dixmude, la ville fut pratiquement rasée, y compris ses églises et sa célèbre Halle aux Draps.

Batailles de l'Yser et d'Ypres

En réalité, ces deux batailles s'enchevêtrent et n'en font qu'une, qui dura un mois plein : c'est une suite de la bataille des Flandres, que l'on a appelée aussi bataille de Calais, d'après son objectif. Une nouvelle démence en effet occupait l'esprit du kaiser. Il voulait, à n'importe quel prix, prendre Calais afin de pouvoir, de ce port, fondre sur l'Angleterre avec une armée d'invasion. Le 17 octobre, ses innombrables bataillons, lancés par masses épaisses de huit hommes de front sur vingt ou trente rangs de profondeur, commencent à essayer de forcer les passages de l'Yser, entre Dixmude et Nieuport. Il n'y a là que les régiments belges réduits à de faibles effectifs, et 6000 de nos fusiliers marins. Cette poignée d'hommes tient tête à elle seule sept jours de suite aux vagues allemandes. Le 24 elle est renforcée par des contingents français amenés en hâte. Le 26, les écluses de Nieuport sont ouvertes et inondent la plaine, qui est en contrebas de la mer. La lutte continue partout où elle reste possible. Ce n'est que le 10 novembre que les Allemands s'emparent du tas de ruines qui fut Dixmude.
L'attaque d'Ypres, plus forcenée encore que celle de Dixmude, commença le 21 octobre. Ce fut aux Anglais à en soutenir le premier choc. Ils accomplirent leur tâche avec une vaillance inégalable, dans des circonstances parfois désespérées. Là encore, plusieurs de nos divisions intervenues à temps rétablirent le combat. Le 16 novembre, les Allemands renoncèrent. Ypres nous restait, la route de Calais à jamais fermée.

Liens d'histoire sur la Grande Guerre:

Les Flandres:
http://ccsc.genealogie.free.fr/Plaques/Plaques.htm
http://www.troupesdemarine.org/traditions/histoire/hist011.htm
http://www.inflandersfields.be/

Autres sites:
http://membres.lycos.fr/greatwar/
http://home.nordnet.fr/~hloridant/
http://www.accueil.org/dossier_histoire/souvenir/chrono_1914_1918.html
http://www.nordmag.com/patrimoine/histoire_regionale/premiere_guerre/sites_batailleartois.htm
http://pcoutant.free.fr/guerre.htm
http://www.1914-1918.be/
http://tdm.vo.qc.ca/affiches/1418/
http://membres.lycos.fr/dessins1418/
http://hcapelli.free.fr/index.html
http://micheljacquot.chez.tiscali.fr/1index-decoration.html
http://www.memorial-genweb.org/
http://www.grande-guerre.org/liens_1gm.htm
http://perso.wanadoo.fr/jasmin90/GrandeGuerre1914_1918/Ourcq.html
http://www.vac-acc.gc.ca/general_f/sub.cfm?source=history/firstwar
http://etienne.jacqueau.free.fr/index.html
http://bac.d.free.fr/guerre_14_18/
en anglais:
http://www.worldwar1.com/
http://www.firstworldwar.com/

Retour à l’anecdote : par jean-luc Guérin

En décembre 2001, j’ai profité d’un stage informatique d’une semaine à l’université de Lille, pour me rendre dans la région d’Ypres.

C’est le vendredi 7 décembre, après avoir quitté à midi mes collaborateurs.

Au lieu de rentrer au Mans, je prends la direction d’Ypres en Belgique. J’ai tout prévu, carte IGN et pellicules photos. Je suis assez excité et nerveux car je n’ai que peu de temps, juste l’après-midi pour réaliser ce projet.

C’est avec soulagement et émotion que j’arrive à Ypres en Flandre Occidentale. Je gare la voiture dans le centre ville, devant l’office de tourisme, un beau bâtiment d’architecture Flamande d’époque Renaissance. C'était les anciennes halles aux draps, il reste l'un des derniers souvenirs du vieux Ypres, car la ville a été presque rasée par les bombarbements de la Grande Guerre. Aujourd'hui à l'intérieur, l'office de tourisme s'est installé au niveau du rdc, et dans l'autre partie se trouve le musée de la Grande Guerre. J’en profite pour visiter rapidement. Avant de repartir, je profite du calme à l’accueil, pour demander des renseignements sur la bataille de l'Yser. Une dame charmante parle en Français et me consacre un moment pour rechercher le nom de mon arrière grand père, dans des différents registres. Mais en vain, nous trouvons pas le nom d’Albert Bernard dans le cimetière Français de St Charles de Potyze et dans les autres lieux de sépulture Français. Je quitte cet endroit, mais je décide finalement tout de même de visiter le cimetière de St Charles de Potyze qui se trouve à la sortie de la ville. Je trouve avec difficulté le lieux, mais j'y arrive enfin. Alors je m’aventure entre deux averses glacées, seul dans ce monde de silence et de vent. Je scrute chaque croix blanches. Pas d’albert Bernard bien sûre, alors je dois me résigner car le temps presse. Je regarde au centre une dernière fois le drapeaux bleu blanc et rouge, flottant dans ce ciel violet et de rose, je suis bien triste, je n’ai pas trouvé.

Plus de temps à perdre, direction Dixmude et Nieuwkappelle par le canal de l’Yser.

Je dois parvenir vers l’endroit, où mon arrière grand-père est mort le 13 novembre 1914, c’est primordiale. J'ai pensé et je pense à cet homme, à mon ancêtre, à sa souffrance, à sa famille, à cette époque, à leur douleur. Les paysages défilent entre présent et passé. J’arrive enfin, aux alentours de Nieuwkappelle. Je m’arrête, je photographie, je respire, je touche la terre. J’y suis, je suis arrivé à ce but. Voici donc cette terre, celle qui fut brûlée par les canons, meurtrie par la folie des hommes, elle sent naturellement la mer et la boue. Je suis ému, déjà le soleil périclite.

A travers une dernière blessure de lumière sur le clocher de la petite église, je dis adieux Nieuwkappele. Je redémarre la voiture, direction les chemins de France.

jlg


Voici la fin de mon parcours aux environs de Nieuwcappelle

Carte IGN, entre Dixmude et Lo-Reninge, au bord du canal de l’Yser, le village Nieuwkapelle.

Lieu Chargé d’histoire, d’émotion.

Région au sud de Dixmude

Carte d’Etat major sur le positionnement des troupes allemandes et des troupes alliés.

ci-dessous: Le village de Nieuwkappelle est balayé par les tirs allemands, c’est dans cette zone que mon arrière grand-père est tué le 13 novembre 1914 par un éclat d'obus.

Vous pouvez cliquer sur l'image pour l'agrandir où ici >>

Vous pouvez lire ce témoignage unique, de ce triste jour pour notre famille, c'était un vendredi 13 novembre 1914. Le Témoignage d'un autre soldat du 94 ème RI, il s'appelle Antonin Rougier:

Le 13 novembre 1914, Le 3 ème bataillon du 94 ème RI est au " repos " à trois kilomètres du pont de knokke, à Nieuwkapelle. Ce village se situe à environ 6 kilomètres au sud de Dixmude (aujourd'hui Diksmuide) sur la rive gauche de l ' Yser entre Dixmude et Lo-Reninge, lorsqu ' à 2 heures du matin l 'artillerie ennemie se déchaîne. Le bombardement nourri n ' épargne ni l'église ni le presbytère. Dans la phase finale, Antonin se trouve dans une brasserie qui est atteinte par les obus qui pleuvent de toutes parts. Les hommes s'entassent dans la cave où ils pensent trouver refuge, mais un obus perforant transperce le plafond de leur abri et fait 60 victimes dont la moitié est tuée sur le coup. Sur le Journal de marche opérationnelle du 94 ème RIT, Antonin est cité parmi les blessés. J'y ai également relevé les noms, parmi les blessés, de Baptiste Moulinier et parmi les tués de Jean Savary et Paul Billet. Quelques pages plus loin, également celui de François David. (patronymes de gens que je connais aujourd'hui. peut être des descendants..!) Ce fut après ce bombardement que les Allemands s'emparèrent des ruines fumantes de Dixmude mais Nieuwkapelle resta toutefois aux mains des Français et des Belges.


Liens vers des photos d'époque sur le front-ouest au bord du canal de l'Yser:

à conseiller : bronze01_up.gif


Mon parcours pour me rendre sur les lieux de Nieuwkapelle

Front sur le canal de l’yser

plan des alentours de Nieuwkapelle

Lieux des prises de vue

Ma série de photos













Voici le témoignage exceptionnel d’un soldat de la 94ème RI

ETIENNE, ANTONIN ROUGIER, il meurt lui aussi dans le même bombardement que Albert Bernard mon arrière grand Père, ils se sont peut-être connus ou vus, ils sont natifs tous les deux de la Charente, ils montent et travaillent à Paris et habitent tous les deux dans le sixième arrondissement.

Cette similitude est incroyable.

Tout a commencé un jour, ou je cherchais par hasard sur internet " 13 novemvre 1914 ", en parcourant des pages et des pages, j’ai trouvé cette question :

" bonjour,
le 13 novembre 1914 les allemands bombardent nieucapelle, faisant de nombreux tués et blessés .
qui peut me dire où setrouve exactement nieukapelle et me donner des précisions sur ce bombardement
merci "

BIOGRAPHIE D' ( 1879 - 1914 )

(écrite par son petit fils Daniel Rougier en 2002)

Sa vie avant la grande guerre

Le 27 février 1879, à 11 heures du soir, il vient au monde dans la demeure de ses parents au 36 bis rue des halles à la Rochefoucault, en Charente. Il est déclaré le lendemain à l ' officier de l ' état civil, par la sage femme, sous le seul prénom d ' Etienne.

Son père Pierre- Augustin Rougier est alors âgé de 31 ans, il exerce la profession de chapelier.

Sa mère Marguerite Chevalérias, est à l ' époque sans profession. La famille habitera plus tard rue des Ramberges à Angoulème.

En 1908, à la naissance de mon père, Marguerite qui est veuve demeure au 24 rue de la corderie à Angoulème, elle est alors couturière.

Physiquement, selon la description de son état de service militaire, Etienne a le visage ovale et le menton rond, il a des cheveux et des sourcils noirs; il mesure 1 m 58, mais est néanmoins athlétique et sportif comme l ' attestent ses deux diplômes de gymnastique décernés par la Société

L ' Espérance d ' Angoulème et l ' obtention d ' une médaille d ' argent dans cette discipline.

Par ailleurs ses fils: Robert l ' aîné, né le 3 juillet 1906 et René, mon père, son cadet, né le 2 janvier 1908, bien qu ' âgés de 8 ans et 6 ans et demi à sa mort en 1914, le décrivaient comme un gaillard tonique volontaire et d ' une grande gentillesse. Je n ' ai pas eu de témoignage sur ce point de Réjane, la petite dernière, née en 1909, 18 mois après mon père. (Originalité de mes ancêtres : Le prénom des trois enfants commence par un R, de même que leur patronyme)

Mon père disait avoir été impressionné par des traversées de la Charente à la nage, agrippé

sur son dos.

Ses 2 fils furent sans doute pour cette raison également très sportifs puisque Robert fut jusqu'à sa retraite l ' animateur de marine sport Paris en culture physique (Club corporatif de la Marine nationale) et fonda un club sportif pour les jeunes de Savigny sur Braye dans le loir et cher lorsqu' il y prit sa retraite. Quant à René, qui pratiquait, comme son frère, le grand soleil à la barre fixe, il participa, comme vétéran, à 40 ans, aux championnats de gymnastique de la loire. A près de 60 ans il exécutait encore parfaitement le saut de main (saut périlleux avec les mains) et montait encore un équilibre en force sur 2 chaises, les 2 pieds de la seconde, eux même posés sur l ' assise de la première. Acrobate, je l'ai vu, devant la maison de ses grands parents à Champniers, la cinquantaine bien tassée, pédaler à l ' envers sur un vélo, assis sur le guidon les bras tendus à l ' horizontale. Il fut également boxeur amateur et disputa le titre de champion de Charente.

L ' exemple d ' Etienne qu ' ils perdirent de surcroît, très jeunes, fut certainement déterminant dans ces penchants sportifs.

Il apparaît que le prénom d ' Etienne fut abandonné au profit de celui d ' Antonin et je l ' appellerai désormais ainsi. Il faut peut être voir dans l'usage de ce deuxième prénom, dont je ne sais pas quand il fut adopté, un désir fusionnel du couple Angelina-Antonin,( mêmes initiales, comme pour leurs trois enfants).

Antonin donc, passa probablement sa jeunesse à la Rochefoucault où il naquit, et sans doute
à Angoulème, rue des Ramberges.

Le 19ème siècle s ' achève, Antonin a 21 ans, il est appelé sous les drapeaux, le 17 septembre 1900, pour y faire son service militaire qui durera 3 ans. Il arrive au premier régiment de Zouaves, régiment d ' élite, le 20 septembre; il porte le matricule 21787.

Il fait avec son unité un an de campagne en Algérie du 18 septembre 1900 au 30 août 1901.

Il est nommé zouave de première classe, le 8 août 1901, et caporal dans la foulée le 28 août.

Il est libéré le 29 novembre 1903 avec un certificat de bonne conduite.

Puis Antonin rencontre Angelina Seguin,une fille de Champniers, où elle est née le 7 août 1881. Il

l ' épouse dans cette petite commune le 29 avril 1905.

En 1907 (à compter du 10 juillet) Son affectation de défense est la poudrerie d ' Angoulème où il travaille.
A la naissance de mon père, le 2 janvier 1908, et donc probablement dés son mariage, il demeure avec son épouse Angèlina Seguin, au 8 rue de Bassau à Angoulème. Antonin a 28 ans à cette époque et Angélina 26 ans.

Peu de temps après et probablement en raison de l ' agrandissement de la famille, Antonin part

s ' installer dans une petite commune limitrophe, le Gond Pontouvre où habite déjà, au lieu dit Roffit, sa jeune soeur Renée (qu ' on appelait Eléonore), épouse Chapon qui a 7 ans de moins que lui et exerce le métier de papetière. La papeterie figure parmi les grandes traditions industrielles

d ' Angoulème, de même que la confection des pantoufles, les célèbres charentaises. Ce faisant, il se rapproche ainsi de ses beaux parents, Jean Seguin et marie Talon, son épouse, qui demeurent à Champniers où son beau père, que j ' ai toujours entendu appelé le pépé Seguin, est cultivateur au lieu dit " Fontenille ".

Plus tard, pour élever ses petits enfants, ce dernier travaillera à l ' entretien la ligne ferroviaire du petit Mérat dont la gare de Champniers était construite sur son terrain. Le petit Mérat, Ainsi appelait on ce train qui serpentait à travers la campagne charentaise, au services des moindres communes.

On peut encore voir la maison du " pépé " Seguin qui d ' un côté, jouxte la gare dont le petit édifice toujours présent et caractéristique le rende aisément reconnaissable, et de l ' autre coté, surplombe le petit lavoir du ruisseau de Champniers sur la route de La Chignolle.

Soit dit en passant ce réseau ferroviaire secondaire, instauré par Freycinet, particulièrement dense dans toute la France à cette époque permit une mobilisation générale en août 1914, et notamment dans les campagnes, extrêmement efficace et rapide.

Donc Antonin a emménagé au Gond le 10 juillet 1908. C ' est là que Réjane verra le jour en 1909.

Antonin exerce la profession de poudrier à la poudrerie d ' Angoulème, autre établissement public de la région avec la fonderie de Ruelle, arsenal de la Marine, dont les immenses bâtiments enjambent la frétillante rivière de la Touvre, où Antonin emmène ses garçons faire de l'aviron sur la périssoire familiale.

Petite parenthèse militaire, il accomplit une période d ' exercices du 6 au 22 décembre 1909 au sein du 3 ème régiment d ' infanterie coloniale basé en Angoulème, L ' ancêtre du 3 ème RIPMA (régiment d ' infanterie parachutiste de marine dans lequel s ' illustra plus tard un de nos cousins germains Roger Ramnoux, de Coursac, un des sous officiers les plus décorés de notre pays).

Le 24 novembre 1911, il s ' installe avec sa famille à Sancerre dans la subdivision de région de Cosne où il vient d ' être embauché comme contre-maître dans une imprimerie. Un acte de sabotage sur une rotative, probablement lié à la jalousie d ' un collègue malveillant, l ' oblige à démissionner.

Il quitte Sancerre le 18 mai 1914, et retrouve, comme imprimeur typographe, un nouveau poste de contre-maître, à Paris. il élit domicile 10 rue Jacob dans le 6 ème arrondissement.

Mon père se rappelait bien de ce lieu, et j ' eus l ' occasion d ' y faire un " pèlerinage " avec lui en 1958, lorsque mes parents s ' installèrent à Paris, non loin de là dans le 14 ème arrondissement, rue Liancourt. Il y restera finalement peu de temps.

Coup de tonnerre dans un ciel serein, le premier août la France est mobilisée et la guerre avec

l ' Allemagne est déclarée le 3 août. Rappelé sous les drapeaux, par le décret de mobilisation générale, au 94 ème régiment d ' infanterie territoriale basé à Angoulème, il y arrive le 6 août.

La der des der Antonin Rougier l'a faite

Le premier août de cette année 1914, le tocsin sonne dans tous les clochers de France pour annoncer le début d ' un sacrifice sans précédent pour notre pays (1 400 000 morts), quatre années

de souffrances et de larmes.

C' est probablement celui de Saint Germain qu ' Antonin entend, puisqu'il est parisien et qu ' il demeure dans le quartier latin, non loin de là.

Antonin prend alors le train pour rejoindre son unité à Angoulème, dans la cohue générale, sous les acclamations d ' une foule survoltée et la confusion que crée un trafic ferroviaire d ' une densité inégalée.

Angélina, avec ses trois enfants, regagne quelques jours plus tard la maison de ses parents à Champniers.

Jusqu'au 11 août le 94 ème RIT s ' organise, dans une effervescence indescriptible. Ce n'est pas simple de rassembler 3000 hommes, civils pour la plupart.

A Angoulème, il existe également un autre régiment d ' infanterie de ligne le 107 ème.

Celui d ' Antonin, quant à lui, fait partie de la territoriale.

Les hommes de la territoriale sont des gens plus âgés ( entre 35 et 40 ans) et donc le plus souvent en charge de famille. On les appelle les " pépères ".

Ils sont, affectés à des travaux d ' appui moins risqués, comme des travaux de garde de points sensibles de l ' intérieur, de voirie, de terrassement. (Dieu sait si on a manié la pelle dans cette terrible guerre!)

ils n ' étaient pas en principe voués à être exposés aux plus grands dangers; mais il y eu des exceptions, notamment en 1914 et en 1915.

le 94 ème RIT fut, pour sa part mêlé à de très durs combats, en Belgique, dans les batailles de l' yser et d' Ypres qui firent de véritables hécatombes jusqu'à la stabilisation du front dans la guerre de tranchées, le 15 novembre 1914 (c' est la date du décès d ' Antonin...)

Le 11 août, sous le commandement du lieutenant colonel de Vaux, le 94 ème RIT part pour la région parisienne.

Il est composé d ' un trentaine d ' officiers, de 177 sous officiers, de 2902 hommes de troupe et de 51 chevaux et mulets. Rendons hommages au passage au rôle extrêmement important de la cavalerie, et des équidés au cours de cette guerre.

Sa mission est de s ' installer dans le camp retranché de Sury et de consolider des lignes de défense au nord est de Paris.(28 ouvrages d ' infanterie seront ainsi réalisés dans la région parisienne).

Le 11 août 1914, le 94 ème débarque à Ivry; il se dirige sur Montrouge pour bivouaquer, puis repart dés le lendemain vers sa première destination opérationnelle. Les bataillons s ' installent, pour y exécuter des ouvrages de défense, sur les sites de Noisy le roi, Marly le roi, Boulogne sur Seine, Poissy, Aigremont, entre autres.

L ' objectif est consolider une ligne de défense Poissy-Villepreux.

Le travail se poursuit jusqu'au mois d ' octobre, lorsque les événements à l ' Est prennent une nouvelle tournure.

Ce qui ne devait être qu ' une simple promenade vers Berlin la fleur au fusil, est devenu un horrible cauchemar.

L ' incompétence du haut commandement français qui lance des assauts meurtriers voués à l ' échec entraîne l ' affaiblissement de nos troupes et leur recul progressif avec des pertes énormes.

La première bataille de la Marne va heureusement changer l ' ordre des choses et la victoire française va entraîner ce qu ' on a appelé " la course à la mer ".

L ' armée française se déploie, dans des marches marathoniennes, pour éviter de se faire contourner. La course s ' arrêtera peu avant les plages de Flandres, et c'est là sur la ligne Ypres Dixmude, pour défendre Calais, cible des Allemands, qu ' auront lieu les combats les plus meurtriers, avant que les protagonistes ne s ' enterrent à la mi-novembre pour une guerre de tranchées, mettant ainsi un terme à ce que l ' on a appelé, par opposition, la guerre de mouvement.

C' est dans ce contexte que la territoriale est envoyée, début octobre, à la rescousse de la bataille des flandres.

Le 94 ème RIT qui doit au plus vite rejoindre le front en Belgique, par la mer, prend le train pour Cherbourg à la gare de Versailles Matelots, le 9 octobre.

Le temps d ' arriver, de se regrouper, et on embarque hommes matériels et chevaux à bord de la Lorraine.

L ' embarquement commence le 11 octobre à 10 heures et à 12 heures 15, l ' ancre est levée.

La lorraine aborde les côtes de Dunkerque dans la nuit et le débarquement s ' opère donc le 12 octobre vers 10 heures. A 13 heures 30, l ' opération est bouclée.

Dés le lendemain, le 94 ème prend le train vers l ' Est : direction Poperinge, qui se trouve à environ 40 kilomètres de là, en Belgique. Antonin qui fait partie du troisième bataillon y arrive à 4 heures.

A peine le temps de souffler et dés 7 heures, il refait encore 10 kilomètres vers l'est pour Vlamertinge, qui se situe à 4 kilomètres d 'Ypres. L' objectif est de creuser des tranchées entre Vlamertinge et Reningelst au sud.

Ces tranchées sont vraiment le salut pour les troupes qui sont au feu et qui y retrouvent un semblant de sécurité sous le pilon de l ' artillerie allemande dont elles ne sont pas à l' abri.

Le travail aux tranchées se poursuit jusqu ' au 15 octobre.

Le 15, le 3 ème bataillon d ' Antonin se soude au 89 ème d ' infanterie qui est un régiment parisien au sein de la 177 ème brigade.

Ils se mettent en place avec le 93 ème d ' infanterie de la Roche sur Yon aux abords de Poperinge où ils reçoivent l ' ordre de s ' installer le 17 octobre.

Après quelques mouvements et contrordres, on retrouve, le 22 octobre, Antonin posté à Lo qui se trouve à une dizaine de kilomètres au sud de Dixmude (aujourd'hui Diksmuide)

Le 25 octobre, les fantassins sont à Woesten au nord de Poperinge et font mouvement pour Oostvleteren au nord ouest pour se mettre à la disposition du général de Mitry.

A compter de cette date le 94 ème RIT va se trouver aux premières loges.

Le 26, il est sous le feu de l ' artillerie allemande.

Du 27 au 29, Antonin, dont le bataillon est cantonné à Lo creuse des tranchées vers Hazewind, au sud de Dixmude.

Le 30, il part relever le 33 ème d ' infanterie de ligne aux tranchées du canal de l ' Yser.

Le 31 octobre, il est sous le feu de l ' artillerie allemande, équipée de canons de campagne de 105 à la portée beaucoup plus longue que notre 75 et surtout d ' obusiers de 420, ce qui lui assure une supériorité opérationnelle réelle.

Pour la journée du 1 er novembre, le 3 ème bataillon compte 1 tué et 3 blessés

le 2 novembre, il a pour mission de soutenir de ses feux le 93 ème régiment de ligne de la Roche sur Yon qui doit franchir le canal de l ' yser au pont levis de Knokke à 3 ou 4 kilomètres à l ' Est de lo. C ' est à cet endroit que le canal de l ' Yperlée se jette dans l ' yser. On trouve déjà en ces lieux les vestiges d ' un fort construit par les Espagnols en1590.

Le 3 novembre, l ' unité enregistre encore 1 tué et 2 blessés; puis, de nouveau, 3 blessés la nuit suivante.

Au pont de knokke, le bataillon est placé à 300 mètres du canal et soutient le 93 ème et les tirailleurs sénégalais qui tentent de passer.

Le mois de novembre, en cette année 1914, est glacial, les premiers flocons de neige apparaissent

et la terre est gorgée d ' eau. Les hommes pataugent dans la boue des tranchées et encaissent des feux d ' artillerie nourris.

Le 4 novembre, le bombardement des tranchées fait encore 1 blessés au 94 ème, puis 1 tué et 4 blessés le 5, et encore 2 blessés le 6.

le 7 novembre, le 94 ème reçoit l ' ordre de participer à une attaque générale de l ' ennemi dans la nuit du 8 au 9. L ' assaut devra se faire à la baïonnette, sans tirer.

Le 94 ème est logé à la même enseigne que, les troupes héroïques des fusiliers marins de l ' amiral Ronarc'h, les grenadiers belges qui défendent farouchement leur patrie (à l ' image de leur roi Albert premier qui n ' abandonnera jamais, jusqu' à la fin des hostilités, le sol de son pays), mais aussi les tirailleurs sénégalais et les régiments de zouaves ainsi que tous les régiments de ligne qui ont subi de lourdes pertes dans l ' Est et sont arrivés dans les flandres au prix de marches exténuantes ( 50 kilomètres par jour en moyenne avec 35 kilos de paquetage à traîner)

L ' assaut doit donc être donné mais Le mouvement s ' avère finalement impossible, le terrain dans lequel les hommes pataugent est complètement inondé. Le 94 ème enregistre encore un blessé le 9 novembre

les jours suivants se ressemblent avec leurs lots de tués et de blessés.

Le 13 novembre, Le 3 ème bataillon du 94 ème est au " repos " à trois kilomètres du pont de knokke, à Nieuwkapelle. Ce village se situe à environ 6 kilomètres au sud de Dixmude (aujourd'hui Diksmuide) sur la rive gauche de l ' yser entre Dixmude et Lo-Reninge, lorsqu ' à 2 heures du matin

l ' artillerie ennemie se déchaîne. Le bombardement nourri n ' épargne ni l ' église ni le presbytère.

Dans la phase finale, Antonin se trouve dans une brasserie qui est atteinte par les obus qui pleuvent de toutes parts.

Les hommes s ' entassent dans la cave où ils pensent trouver refuge, mais un obus perforant transperce le plafond de leur abri et fait 60 victimes dont la moitié est tuée sur le coup.

Sur le Journal de marche opérationnelle du 94 ème RIT, Antonin est cité parmi les blessés.

J ' y ai également relevé les noms, parmi les blessés, de Baptiste Moulinier et parmi les tués de Jean Savary et Paul Billet. Quelques pages plus loin, également celui de François David. (patronymes de gens que je connais aujourd'hui. peut être des descendants..!)

Ce fut après ce bombardement que les Allemands s'emparèrent des ruines fumantes de Dixmude mais Nieuwkapelle resta toutefois aux mains des Français et des Belges.

La volonté farouche du kronprinz de Bavière, commandant en chef de la 3 ème armée sur la Somme et les assauts répétés du général Falkenhayn pour s ' emparer de Calais avaient échoué devant la bravoure et la détermination des alliés à ne lâcher aucun pouce de terrain.

Au total 125000 français furent tués lors de cette mêlée des Flandres. L'armée belge y perdit la moitié de ses effectifs, ne comptant plus que 50000 hommes après la bataille de l ' Yser. les Anglais engagés dans la bataille d' Ypres y laissèrent 60000 des leurs.

De toute la première guerre mondiale, 1914, rappelons le, fut l’année la plus meurtrière.

Le décès d ' Antonin interviendra 2 jours plus tard à l ' hôpital temporaire de campagne numéro 2

d ' Abbeville, le 15 novembre. C ' est la date officielle du début de la guerre de tranchées ...

Son corps sera ramené plus tard pour reposer au Gond Pontouvre dans son pays natal.

Mon père me disait qu ' Antonin avait écrit un mot maculé de sang à Angelina, dans lequel il lui disait : " je suis blessé, ce n'est rien, ne t ' inquiète pas, je t ' aime .... "

Lorsque le garde champêtre de Champniers annonce la nouvelle à Angélina,son fils Robert qui est présent, la voit s ' effondrer dans le coma.

Angélina ne s ' est jamais remise de cette disparition et s ' est repliée sur elle même, prostrée dans le souvenir de son mari, absente de ce monde, aux limites de la folie.

J ' eus l ' occasion de lire un poème sur la petite maison, au bord du ruisseau, de Champniers, écrit par mon oncle Robert, musicien et poète à ses heures, dont je me souviens approximativement

d ' un vers :

" j ' y vis notre pauvre mère

souffrir un long calvaire

terrible et douloureux "

Les trois enfants furent élevés dignement et choyés par les grands parents, modestes retraités dans cette charmante maison, au sol en terre battue, de Champniers où j ' eus, étant jeune, le bonheur de séjourner.





REMERCIEMENTS à tous ceux qui m'ont aidé dans mes recherches pour faire revivre la mémoire de mon grand père :

Le service historique de l ' armée de terre au château de Vincennes (cotes 26 N 1739 pour

l ' historique du régiment et 26 N 793 pour le journal de marches opérationnelles-JMO)

Les archives départementales de la Charente.

Les mairies de la région d ' Angoulème : (Champniers, Ruelle, Le Gond Pontouvre, Angoulème,La Roche Foucault)

Internet et notamment le forum de la der des der- 1914-18.org

la convivialité des internautes que j ' ai croisés et en particulier Prosper Vandenbroucke, Président

d ' une association sur la première et la seconde guerre mondiale en Belgique.

Mon oncle Robert avec lequel j'ai eu une longue conversation téléphonique le 28 avril 2002 et sur lequel je compte encore pour enrichir ce travail de recherche

Ma chère et tendre épouse Josiane qui m ' a encouragé et assisté dans mes recherches depuis des mois.

Le " travail " n ' est pas terminé, ce fut jusque là un réel plaisir.

DAN ROUGIER

Fin de la première partie.



Cliquer ici*, pour consulter la deuxième partie:
Albert Bernard, le soldat de 1914

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